2 décembre 2009LA SEINE A VILLENEUVE-LE-ROI (Val-de-Marne)
![]()
Sources historiques
Des sources écrites mentionnent l'existence de ponts traversant la Seine entre Villeneuve-saint-Georges et Villeneuve-le-Roi.
"En 1266 sous Saint-Louis, on traversait la Seine à Villeneuve-Saint-Georges, sur un pont de bois "fustes". Cette année là, les habitants ouvrirent une souscription pour le faire réparer. Afin d'en permettre la reconstruction, le roi fit placer pour une durée de trois ans, une chaine ou un barrage en travers du fleuve. Nous retrouvons ce point mentionné en 1392, puis les registres de l'abbaye de Saint-Magloire, à Paris, en 1421, à propos du décès de Jean Woallecourt, noyé en Seine, près de Moret, et dépouillé de ses vêtements au retour, près du pont d'Ablon. Le souvenir s'en est perpétué ; il y a peu d'années, l'impasse Saint-Georges s'appelait chemin d'Ablon, avant que le chemin de fer eut bouché cette voie, et la rue longeant la pompe à feu s'appelait : chemin du bac d'Ablon. En 1624, le pont de fustes n'existait plus, et le bac qui l'avait remplacé avait été transporté à Soisy-sous-Etiolles, pour servir aux chasses du roi. Si l'on tire une ligne droite partant de la rue du bac d'Ablon, en longeant l'usine élévatoire des eaux de la Seine, elle aboutit en prolongement à la route de Villeneuve-le-Roi. C'est certainement là que se trouvait jadis le pont de fustes. En creusant le lit du fleuve pour faciliter la navigation, on a retiré de l'eau plus de cinq cent pilotis, dans la partie comprise entre cette rue et l'embouchure de l'Yerres. Il en reste autant, nous a dit M. Raquin, un pêcheur émérite qui connait bien le fond du fleuve en cet endroit." - DANDRIEUX H. V. & A, 1919, Histoire de Villeneuve-St-Georges.
En mai 1652, le duc de Condé chef de la rébellion, veut rallier la capitale à sa cause et fait route vers Paris en venant du Sud. 14 juin 1652 le duc de Lorraine, allié de Condé, lance un pont sur la Seine vers Villeneuve-St-Georges pour faire passer ses troupes de la rive droite à la gauche et les joindre à celles de Condé. Turenne est dans les parages et doit s'emparer du pont mais finalement traite un retrait des lorrains. Le pont est détruit. L'armée de Condé apparaît en face et poursuit jusqu'à Villejuif. Du 5 septembre au 5 octobre les opérations reprennent dans la région de Villeneuve-St-Georges. Les lorrains revenus et les wurtembourgeois occupent la rive droite et sont rejoint par Condé qui traverse sur deux ou trois ponts. Turenne est encerclé à Villeneuve-St-Georges. Il prend 24 ou 25 bateaux qui avalaient et s'en sert pour traverser après des travaux durant quelques jours "on abattit des maisons du bourg pour en prendre des poutres et des planches". Il s'empare du château d'Ablon et incendie les ponts de Condé; Des pieux plantés dans la Seine par Condé interdisent à Turenne les déplacements par voie d'eau. Plus tard les condéens tentent de détruire les ponts de turennes en laissant dériver des grands trains de bois "d'une lieue en haut au milieu de la rivière, afin que le choc qu'ils donneraient contre les ponts les pût entrainer". CHANCELIER M., 1998.![]()
La construction d' un pont suspendu sur la Seine, reliant Villeneuve-Saint-Georges à Villeneuve-le-Roi fut décidée en 1839. Le pont fut achevé en 1843. Il fut coupé en 1870, remplacé par deux ponts flottants par les prussiens et rétabli après la guerre. Le tablier en bois fut remplacé par un tablier semi-rigide après un accident survenu en 1919. Le pont lui-même fut remplacé par un nouvel ouvrage achevé en 1939. Les pylônes qui se dressaient encore sur la commune de Villeneuve-Saint-Georges ont été rasés en 1994.Sources archéologiques
Il y a également eu des découvertes archéologiques qui confirment la présence de vestiges.
"... une réponse de M. l'abbé Barranger à la lettre dans laquelle la section lui demandait des détails sur le complément de sa découverte d'une sépulture celtique. M. le curé de Villeneuve-le-Roi a été empêché de faire de nouvelles fouilles par le manque de fonds, et il désirerait que M. le Ministre de l'instruction publique lui vînt en aide à cet effet. La lettre de ce zélé et savant ecclésiastique contient en outre l'indication de diverses antiquités que le bateau dragueur vient de retirer de la Seine entre les deux Villeneuve. Parmi ces objets figurent entre autres un vase en argent et des pilotis indiquant l'existence en cet endroit d'un pont, que M. le curé de Villeneuve-le-Roi rattache à la voie romaine de Melodunum à Lutetia Parisiorum. M. Quicherat fait observer que l'existence d'un ancien pont à cet endroit est un fait déjà constaté, mais que rien ne prouve que ce pont remonte jusqu'à l'époque romaine." - Revue des sociétés savantes des départements Comité des travaux historiques et scientifiques, 1861.![]()
"Dans la Seine, entre Villeneuve-le-Roi et Ablon, ont été trouvés "des armes gauloises", des vases dont un en argent et des pieux en chataignier" - A. Barranger, 1860.
"... on a vu, vers 1870, "en face de Villeneuve-Saint-Georges, les piles d'un vieux pont de bois, ainsi que des armes romaines […]". Au même endroit, MM. Barranger, Rouju, Martin et le marquis d'Aigremont ont mis au jour "de nombreuses antiquités celtiques et gallo-romaines" - A. Franchot 1926.
En 1903, on drague pour former un chenal de navigation de 60 m de large et on extrait de nombreux pieux qui auraient pu gêner la navigation. Un plan du service de la navigation montre la position des pieux (AN F14 14705).
Découvertes récentes![]()
Des prospections menées en 2009 ont montré la présence d'au moins deux structures constituées de palées (rangs de pieux parallèles) typiques de ponts de bois.
Le pont 1 comprend 30 pieux de chêne de plus de 30 cm de section enfoncés dans un substrat de concrétions calcaires. On distingue cinq palées larges de 7 m, espacées irrégulièrement sur une longueur de 25 m mais qui suggèrent la superposition d'au moins deux ponts successifs. L'écartement entre les palées d'environ 8 m, leur largeur d'environ 7 m et la forme des pieux taillés en pointe très aigüe est typiquement gallo romaine.
Le pont 2 comprend 9 pieux en résineux de 20 cm de diamètre disposés en trois palées sur 12 m de long et 4,8 m de large.![]()
>
Interprétation
Ces découvertes confirment les observations du XIXe siècle et démontrent l'existance d'un franchissement de la Seine par des ponts de bois dès l'antiquité.
Traditionnellement on fait passer la voie Paris-Melun par la rive droite de la Seine après une traversée de la Marne à Charenton puis de l'Yerres à Crosne avant la ligne droite Montgeron, Lieusaint, Melun. Ce trajet nécessite trois franchissements de cours d'eau alors que le tracé Vitry, Choisy - reconnu comme antique - Villeneuve-le-Roi n'en emprunte qu'un justement où ont été faites les découvertes, avant de rejoindre le Réveil-Matin à Montgeron, à partir d'où la voie romaine est attestée jusqu'à Melun.
On peut donc penser que nous avons découvert le passage de la Seine par la voie romaine Paris-Melun.![]()