27 février 2025


Fontaine-le-Port, bateau XIIIe s.


En 2015, l'épave d’un bateau a été découverte en prospection dans la Seine au droit de l'ancienne abbaye de Barbeau. Seule une partie de bois de quelques centimètres émergeait alors du fond.
En 2016, 2017 et 2018 des autorisations ont été accordées pour des opérations de sondages archéologiques.
A partir de 2019, c’est une autorisation triannuelle qui a été accordée pour la fouille du bateau.

Nota : les données exprimées ci-après sont celles connues à fin 2023. elles sont susceptibles d'évoluer ultérieurement.

Datation - Un membre du bateau a été daté du XIIIe siècle au 14C (MKL-2787, 760±35 BP). Des premières analyses dendrochronologiques donnent des dates d'abattage des bois fin XIIe début XIIIe s.

Localisation et attitude - Le bateau est à environ 20 m de la rive droite, sous 3 m d’eau. La proue du bateau est à l’aval et la poupe à l’amont et son axe est sensiblement confondu avec le courant de la Seine. Il a une assiette de 3,5° vers l‘aval et sa gîte est de 4,4° vers la rive droite.

Enfouissement - Le bateau est intégralement recouvert par un remblai de pierres et de graviers en pente douce vers le milieu de la rivière dont la masse est estimée à plus de 200 t. L’enfouissement varie de 10 cm à l’amont jusqu’à plus de 2 m à l’aval. La grande crue de juin 2016 a montré qu’un effet de tourbillon dont l’œil est précisément localisé sur l’épave est peut-être à l’origine de son enfouissement et à coup sûr de l’entretien naturel de la couverture qui l’a protégé jusqu’à maintenant.

Etat de conservation - La conservation du bateau, ramenée aux surfaces en plan, est de 83%.
Il manque une petite partie de la proue, virures et étrave. Certains membres et allonges de membres sont manquants. La poupe, moins enfouie, est endommagée et en partie manquante.
Le côté bâbord est conservé en partie jusqu’au livet. Le côté tribord est mieux conservé.

Mobilier associé - Le recouvrement est pauvre en matériel à l’exception de fragments de tuiles à crochets, de tessons de pots médiévaux, de quelques objets en fer et de faune diverse, sans lien avec l’épave.
Au contact du bateau, ont été trouvés des rivets de bordé, de gros clou forgé ainsi que des traces mobilières de travail - copeau, plaquettes et baguette en bois, outils en bois.

Dimensions et allure - Hypothèse de restitution du bateau.
• Longueur : 20,8 m,
• Maitre bau : 4,0 m,
• creux : 90 cm,
• tontures : 60 cm.
• quêtes prononcées donnant des Levées importantes.
La section transversale est évasée, sans sole et sans bouchain. Il n’y a pas de pont. Les dimensions sont exceptionnelles relativement à ce qui est déjà connu par l’archéologie pour la période médiévale.
La masse du bateau lège armé est estimée à 5 t.
                  RECONSTITUTION 3 D

Type de construction - Le bateau a été construit selon la méthode dite bordé premier utilisée durant le Moyen Age, particulièrement en Europe du Nord : bordé à clin riveté, monté sur une quille dans un premier temps, puis muni de membres épousant le profil intérieur.
La quille est large et peu haute. Une étrave et un étambot y sont fixés par rivetage.
Le bordé est constitué de huit virures en chêne par côté assemblées à clin par plus de 2000 rivets et clous. Les galbords sont rivetés dans des rablures sous la quille et cloués sous l’étrave et l’étambot.
Il n'y a pas de pincement du bordé au contact de la proue et de la poupe. Autrement dit les galbords sont quasiment horizontaux sur toute leur longueur.
Les membres en chêne, environ 36, sont munis d'allonges assemblées par des écarts en biseau. Ils sont fixés uniquement au bordé par des gournables à épites notamment en érable, à la maille moyenne de 49 cm.
L'étanchéite est réalisée par un lutage à base de poils d'animaux enduits de poix, pincées entre les virures suivant leurs lignes de rivetage.
état en 2023
                  ANIMATION 3 D

Réparations du bordé - Il existe de nombreuses réparations du bordé constituées par des plaquettes minces de bois clouées avec interposition d’un lutage qui doivent colmater des accidents de fissurages survenus aux bois au moment de la construction.
On a constaté la présence d’un agrégat minéral en certains points, présentant comme des coulures, dont l’origine naturelle ou non reste à déterminer.

Usage - La quille plate sans proéminence en-dessous est celle d’un bateau navigant dans des eaux peu profondes qui n’a pas besoin d’une fonction antidérive.
La modestie du creux et de la tonture sont ceux d’un bateau qui n’a pas à affronter des conditions de fort tangage, qui feraient embarquer de l’eau.
Les levées prononcées, typiques du bateau fluvial, présentent un avantage pour l’abordage perpendiculairement à la berge si celle-ci est en pente et pour s'y échouer en partie. L’extrémité du bateau se retrouve au-dessus du sol sec et par conséquent certaines cargaisons peuvent être déchargées plus facilement.
Au vu de ces remarques et des caractéristiques hydrostatiques, on en déduit que le bateau était destiné au transport de charges pondéreuses et de grands volumes en eaux intérieures sans rapides tumultueux telles celles de la Seine et de l’Yonne.
Il a été déterminé que le bateau pouvait emporter une charge utile de 17 t avec un franc bord raisonnable de 20 cm. Il prend l’eau par le livet avec une charge de 24 t.

Atypie du bateau dans le contexte français - Le bateau de Barbeau est-il une exception ou le premier découvert en France, construit selon la méthode dite bordé premier à clin et à fond non plat ?
L’iconographie médiévale montre nombre de bateaux de rivière à clin avec un profil longitudinal d’allure nordique. Il peut donc avoir été construit selon une méthode inédite pour l’archéologie dans le bassin parisien.
Le mode d’étanchéité par lutage au poil animal n’a pas encore été reconnu en France ailleurs qu’à Fontaine-le-Port.
Si l’on se réfère uniquement aux rares découvertes archéologiques fluviales en France , les bateaux fluviaux ont un fond plat en adaptation au faible tirant d’eau praticable. Les bateaux de charge gallo-romains de Chalon-sur-Saône et de Lyon sont sur sole par exemple.
Les bateaux maritimes ou fluviomaritimes sont à fond bombé pour assurer la tenue à la mer.
L’indigence des sources archéologiques médiévales en France, limitées à quelques épaves, ne permet pas d’affirmer qu’au Moyen Age il n‘a pas existé une tradition de bateaux à fond non plat utilisé en eaux intérieures. Les fonds bombés des bateaux normands n’empêchaient pas la remontée des rivières. En ceci, le genre de bateau de Barbeau est actuellement atypique sur la Haute-Seine et même ailleurs en France, d’où son intérêt.

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